Huilerie Occupée
15, bd Montricher
95, rue Commandant Mages
13001 Marseille

LEGITIMER L'OCCUPATION : pourquoi agissons-nous dans un squat et par le squat ?

Depuis le mois de février 2000, un collectif d'individus occupe une ancienne huilerie inoccupée depuis 1989 et promise à la démolition, 15 bd montricher à Marseille. Alors que les toits ne servent plus à abriter la vie humaine mais à faire fructifier des capitaux, ce collectif informel, sans statut ni hiérarchie, rassemble quelques dizaines de personnes impliquées d'une façon ou d'une autre dans la vie de l'huilerie. Nous ne sommes pas des donneurs de leçons, nous ouvrons juste une porte.

Pendant que la spéculation immobilière prive de nombreux espaces de toute utilité, se loger est soit un problème, soit un privilège. La réquisition est la seule réponse que nous avons trouvée contre cette inégalité sociale et économique. Dans un tel contexte, qui pose mille questions, nous sommes à la recherche d'alternatives à partager avec toutes et tous. Cela implique l'expérimentation d'autres formes de rapports sociaux, de nouveaux types d'échanges, d'action, d'expression afin de ne plus être dépossédés de l'espace public. Nous avons à la fois le souci des interactions sociales et culturelles avec le reste de la ville et du monde, et le désir de défendre une certaine qualité de vie.

ETAT DES LIEUX: décrire l'occupation et les activités (en soulignant leur cohérence)

a) Un lieu d'habitation

L'aile du bâtiment constituée de logements ouvriers est exclusivement réservée à l'habitat des résidents permanents. Ceux-ci, au nombre d'une dizaine, sont tous dans une situation de précarité économique qui limite tout accès « normal » à un logement. Dans un contexte où la paupérisation de masse touche une partie croissante de la population, les politiques de logement social ne répondent pas réellement à l'exclusion mais la contrôlent, enfermant plutôt les individus dans un dédale bureaucratique où leur vie ne leur appartient plus. Dans un premier temps, l'occupation illégale de logements vides depuis 10 ans garantit la simple qualité de la vie, conoernant ses aspects primordiaux: manger, dormir, se laver... dans un lieu sûr. Il s'agit donc d'une nécessité. Mais il s'agit aussi d'un choix qui refuse le misérabilisme,l'isolement et l'exclusion. Les habitants développent ainsi une solidaritécollective propre au squat, solidarité qui est étendue autour du squat à l'occasion de nombreuses activités et rencontres qui rassemblent des dizaines d'autres personnes.

La répartition des logements dans l'aile affectée à l'habitation, ainsi queleur articulation spécifique à l'immeuble, offrent à la dizaine d'occupants/résidents un espace privatif minimal suffisamment autonome par rapport aux parties communes. Les habitants y sont doncchez eux et peuvent aussi y mener une vie indépendante des activités multiples du squat. Chaque occupant de l'huilerie, qu'il y habite ou non, a donc un accès égal et libre à toutes les parties communes, partagées entre la vie quotidienne et une prolifération d'activités et d'échanges.

b) Un lieu d'activités

Le reste des parties communes est consacré à des activités plus spécifiques, dont certaines sont permanentes et d'autres éphémères ou événementielles. On peut les répartir en trois espaces distincts: un garage, un hangar (fous deux au rez-de-chaussée) et le deuxième étage du bâtiment principal.

Le garage :

Le rez-de-chaussée du bâtiment principal est un vaste garage où peuvent être rangés plusieurs véhicules à la fois, soit qu'ils appartiennent à des nomades qui se fixent un temps à Marseille, soit qu'ils néoessitent une remise en état. En effet, un atelier mécanique a très vite vu le jour, quand chacun y a apporté son outillage, ses connaissanoes, des pièces ou son véhicule. Une fois rassemblés les personnes, les outils et les savoirs, une dynamique collective est apparue qui permet à chacun la réparation de son moyen de locomotion en acquéoent une certaine autonomie technique, et sans être bloqué par un problème d'espace ou d'argent.

A partir du même principe s'est développé un atelier spécifique, « Basta la turvoi », qui encourage l'utilisation de la bicyclette à travers la récupération, la réparation voire la reconstruction. Cet atelier ne répond pas seulement à des soucis de locomotion personnels: de façon concrète et ludique, il entend soulever des questions liées à l'écologie urbaine. Par diverses interventions hors les murs (affichages, théâtre vélocipèdique), cet atelier cherche à sensibiliser les marseillais sur l'aspect gratuit, non-polluant et rapide de la bicyclette.

Le garage permet ainsi de pratiquer l'entretien élémentaire d'un véhicule tout en se responsabilisant sur les implications économiques, écologiques et sociales de nos moyens de déplacement. Pour aller plus loin dans ce sens, nous souhaitons installer ici une « station service » alternative pour les véhicules équipés d'un moteur à carburant végétal huile de tournesol ou de colza).

Le deuxième étage du bâtiment principal :

Ce deuxième appartement a été réservé aux activités collectives et a été aménagé de la façon suivante:

1. Un labo photo où sont mis en commun le matériel et les produits chimiques, mais surtout les connaissances et les techniques. Outre la production de travaux personnels, ce laboratoire permet à l'Huilerie d'être autonome au niveau de sa création d'images (affiches,flyers,...).

2. Une salle de réunion ouverte à différents collectifs et associations de Marseille.

3. Une salle vidéo.

4. Un atelier collectif où se croisent des plasticiens qui ont besoin d'un espace pour élaborer leurs créations.

5. Une fanzinothèque: c'est un lieu d'archivage et de lecture où l'on trouve toute la presse alternative et libertaire qui n'a pas de place dans les kiosques commerçants, ainsi que des publications et des dossiers.

En diffusant gratuitement un maximum de textes venus de France et d'ailleurs, nous nous faisons l'écho et nous nous intégrons à un mouvement large qui s'ouvre sur le reste du pays et sur le reste du monde.

6. L'ancienne cuisine du deuxième étage est réservée à l'installation d'un atelier de sérigraphie (en cours).

Le hangar :

Ancien looel industriel laissé à l'abandon, la "salle polyvalente" (située au 95 rue du Cdt Mages) a été aménagée dès février grâce à un chantier collectif. Depuis, cet espace a, en effet, accueilli plusieurs centaines de personnes venues participer aux différentes manifestations qui y ont été organisées: conférences, concerts, représentations théâtrales, projections vidéo, repas collectifs...

Un nouveau chantier collectif est actuellement en cours pour aménager une salle de musique insonorisée. Cela permettra à l'huilerie occupée d'accueillir des musiciens pour qu'ils y travaillent (répétitions) et pour qu'ils jouent en public sans dommage pour le voisinage (avec lequel nous cohabitons dans un respect mutuel).

LA VOCATION DE CE LIEU EST MULTIPLE :

1. C'est un lieu festif où la fête n'est pas envisagée comme une marchandise à consommer mais comme un moment à partager et à construire ensemble.

2. C'est un espace d'expression artistique qui accueille musiciens, troupes de théâtre, vidéastes; cet espace permet à tous ceux qui le veulent de présenter leur travail à un public large et varié. A l'huilerie, nous cherchons à affranchir l'expérience de l'art de toute forme d'élitisme: contre l'élitisme culturel des « spécialistes », contre l'élitisme économique des marchands.

3. C'est un espace préservé du monde marchand où l'enrichissement humain et culturel passe avant le profit pécunier. Depuis février, toutes les manifestations organisées dans cette salle ont fonctionné sur le principe du prix libre. Par ailleurs, existe aussi dans cette salle un magasin très particulier puisqu'on y troque des objets, livres, vêtements en tout genre, récupérés dans les poubelles de cette société de gaspillage... Ce "shop" nous permet de développer une alternative à la consommation.

4. Enfin, et peut-être avant tout, c'est un espace d'information, de réflexion et de débat. L'organisation de conférence, la présence d'une table de presse dans la salle, l'élaboration en commun de journaux muraux lors des après-midi portes ouvertes, les multiples discussions ou prises de parole spontanées ... tout ceci fait de cette salle une agora largement ouverte où circulent, s'expriment et se débattent les idées qui sous-tendent nos pratiques.

CHRONOLOGIE

17 février 2000: ouverture, installation de douze habitants et début des travaux dans le bâtiment principal.

- mars 2000: chantier collectif d'aménagement du hangar et début des restos à prix libre les jeudi soir: « le mets au pot ta mie ».

- mars 2000 : participation au carnaval de La Plaine sans frontières.

- avril 2000 : auberge espagnole.

- mai 2000: concert des « spamabilly »

- mai 2000: vidéo-conférence sur l'école émancipée: « Freinet et l'éducation anti-autoritaire ».

- 19 mai 2000: vidéo-conférence sur la situation politique en Autriche avec un militant antifasciste de Vienne: « que se passe-t-il en Autriche? Que se passe-t-il en Europe? ».

- juin 2000: représentation théâtrale de la Cie le Poulailler: «la Mère e ta mère » et concert de musique électronique.

- juin 2000: concert de musique orientalo-tzigane « Qasim Odal » et projection de films super8.

- août 2000: accueil de la « Caravane anticapitaliste » avec spectacle de rue, projection de films (sur la mobilisation de SeattIe, sur les émeutes racistes en Andatousie et des films pour enfant), et débats.

- septembre 2000: organisation de rencontres portes ouvertes le dimanche: « le jour des saigneurs ».

- septembre 2000: assignation devant le TGI de Marseille, soirée de soutien le 21 septembre fprooès le 29 septembre.

- octobre 2000: préparation d'un week-end de débats, conférences, projection, sur les réalités carcérales et les alternatives à la prison.

- etc.

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